31 janvier 2010

Fabuleux Japon




Nos amis sont bien rentrés après un très long voyage Kyoto-Osaka, Osaka-Tokyo, Tokyo-Roissy et retour chacun chez soi.



Les deux derniers jours, le rythme était tel qu'ils n'avaient plus le courage d'attendre que l'ordinateur soit libre pour rédiger leur chronique de voyage.



Fabuleux voyage nous disent-ils !


Kisu et à bientôt pour plein de souvenirs à partager.



PS : laissons-leur le temps de déballer tous leurs trésors, et de laver leur linge sale !

30 janvier 2010

Un petit clin d'oeil !....


Photo souvenir par Corinne

Ici en compagnie d'une geisha, voici Philippe de Destinatours dont il a souvent été question dans nos reportages.

Nous lui devons tous ces voyages autour du quilt que ce soit aux Etats-Unis, au Japon, ou en Grande-Bretagne, et nous le remercions pour ses connaissances, sa patience,... mais aussi ses magnifiques photos à voir et revoir sur Destinablog.

L'Empereur, le Shogun et le Samouraï

Longtemps coupé du monde, le Japon s’est forgé une histoire unique autour de ces trois personnages clefs de l’époque féodale. L’ouverture à l’ occident au 17e siècle a fait basculer le pays dans la modernité.

La préhistoire


Les premiers signes de civilisation remontent à 10 500 ans av. J.-C. Il s’agit de fragments de poterie de l’ère Jomon (« corde en paille ») utilisant la technique du dessin cordé sur l’argile fraîche. Le Japon aurait été peuplé par des tribus venues de Sibérie, de Chine, de Corée et, au sud, de Polynésie. Les habitants se nourrissaient alors de plantes, de graines, de coquillages, de poissons, de daims et de cochons sauvages.
Dans les années 300 av. J.-C. (époque Yayoi d’un mot signifiant « début du printemps »), les habitants de l’archipel maîtrisaient déjà la culture du riz et l’utilisation du bronze et du fer grâce aux migrations des Coréens.

L’influence chinoise


Le système d’écriture chinois et le bouddhisme furent introduits au Japon durant les 5e et 6e siècles. La cour adopte un système hiérarchique imité de la cour impériale chinoise. Le prince Shotoku, au 7e siècle, instaure la première constitution du Japon avec un état centralisé et unifié. Le bouddhisme devient religion d’état et son influence se renforce à l’époque Nara (710-794).
Nara devient la capitale du pays en 710. L’influence de la Chine s’illustre dans ses magnifiques temples.


L’époque de Heian (794-1185) marque l’apogée du Japon aristocratique. En 794, la Cour déménage dans une nouvelle capitale, Heian-kyo, capitale de la Paix et de la Tranquillité, l’actuelle Kyoto.




La vie à la cour de Kyoto était consacrée aux affaires de cœur et à l’observation minutieuse de la préséance et du rituel, ainsi que le montre le Dit du Genji. Murasaki Shikibu, dame de Cour du clan Fujiwara, rédigea au début du 11e siècle le Dit du Genji qui est probablement le roman le plus ancien du monde. Il raconte les amours et les peines d’un prince imaginaire, Genji. Cette histoire fut illustrée d’innombrables fois sur des rouleaux.

Les empereurs successifs s’installent alors dans une certaine luxure qui fait perdre à la cour de
son prestige. Le bouddhisme perd peu à peu de son influence au profit du shintoïsme.

L’époque des shoguns

Le laxisme de l’empereur favorise l’émergence d’une classe militaire, notamment en province : les samouraïs ou bushi.
Ce sont des guerriers marqués par une fidélité sans faille à leur chef, le shogun. Le terme shogun est la contraction de seiitaishougun qui signifie « le grand général qui triomphe des sauvages. » Affiliés aux daimyo (administrateurs-guerriers de haut rang), ils vont constituer leurs propres clans héréditaires qui deviendront plus puissants que l’empereur.

Les samouraïs suivent un code strict de loyauté, le bushido ou voie du guerrier, inspiré en grande partie par le bouddhisme zen. Ce code de conduite, d’éthique et de stratégie enjoint au samouraï de préserver l’honneur de son clan, fût-ce au prix de sa propre vie. Le don de soi y est glorifié et la loyauté absolue au shogun est la règle. Les écarts de conduite entachant l’honneur du clan, défaite au combat notamment, ne s’expient que par le seppuku (ou hara-kiri), sanglant suicide rituel par éviscération.

Ces hommes, qui n’appartiennent pas à la noblesse, sont des professionnels de la guerre. Ils élèvent des chevaux, des chiens, chassent au faucon, s’entraînent au tir à l’arc et au combat rapproché. Ils construisent des manoirs de bois à partir desquels ils cherchent à agrandir leur territoire, quand ils ne mettent pas leur sabre (katana) au service d’un seigneur local. Leurs femmes, confinées au gynécée, ne sont même pas admises à leur table.

Les ronin (« hommes flottants ») étaient des samouraïs sans allégeance. Une pièce du kabuki raconte la tragédie réelle de 47 ronin qui, ayant vengé la mort de leur seigneur, furent contraints à se suicider par le shogun.

Les ninja étaient des espions formés pour escalader les murailles des châteaux en temps de guerre.

Les guerres de clans


A partir du 12e siècle, l’époque féodale est marquée par de nombreux conflits entre chefs de guerre rivaux. En 1180, le titre de shogun est attribué à Minamoto Yoritomo. Il obtient de l’empereur le droit de faire assurer l’ordre dans l’empire par ses vassaux personnels.

Le titre de shogun devient alors héréditaire et se transmet par tradition aux descendants des princes Minamoto.

L’invasion des Mongols


A cette époque, des moines japonais de retour de Chine fondent une nouvelle secte appelée zen. Marquée par une grande austérité, cette branche du bouddhisme est très populaire, notamment chez les samouraïs qui vont tirer du zen les principes du maniement du sabre, de l’arc et des arts martiaux.

Cette époque est aussi marquée par de violents conflits avec les Mongols. En 1281, une armée de 100 000 Mongols tente d’envahir le Japon. Mais leur flotte est complètement détruite par un violent typhon. Les japonais lui donnent le nom de Kamikaze, le Vent divin. Cette période d’instabilité va durer jusqu’au 16e siècle. Mais les guerres n’empêchent l’éclosion des arts classiques : le théâtre nô, l’art floral ikebana ou encore la cérémonie du thé datent de cette période.

L’arrivée des missionnaires


En 1542, un trio de portugais à bord d’une jonque naufragée aborda à Tanegashima, île au large de Kyushu. Pour la première fois, le Japon est en contact avec les Européens, les armes à feu et le christianisme.
Toute cette seconde partie du 16e siècle est marquée par l’arrivée des commerçants venus du Portugal, d’Espagne, des Pays-Bas et d’Angleterre. Ils sont le plus souvent accompagnés de missionnaires chrétiens comme le jésuite François-Xavier. Mais le shogunat japonais redoute une invasion militaire européenne et interdit en 1612 la religion chrétienne. En 1637, le gouvernement de Tokugawa met un terme dans le sang à la révolte des chrétiens de Shimabara.

L’époque Edo


Le Japon s’enferme peu à peu et met un terme aux relations avec l’étranger. Seuls quelques contacts limités continuent avec des marchands chinois et hollandais à Nagasaki. Le pays entre alors dans une longue période de paix et de relative prospérité : l’époque Edo.

Paradoxalement, cet essor politique va permettre l’éclosion des arts japonais : la poésie haiku, les marionnettes bunraku et le théâtre kabuki naissent à cette période. L’artisanat traditionnel (poterie, céramique et laque) se développe aussi dans de nombreuses provinces.

L’ouverture à l’Occident


Cet isolement volontaire va durer deux siècles et demi jusqu’à ce que les Etats-Unis forcent le Japon à s’ouvrir à l’Occident. En 1853, une escadre américaine arrive en baie d’Edo. Le commodore Matthew Perry remet aux autorités une lettre du président des Etats-Unis demandant l’ouverture du Japon. Le shogunat décide de céder et signe avec les Etats-Unis et les puissances européennes une série de traités commerciaux accordant des avantages substantiels aux Occidentaux, en particulier l’octroi de plusieurs concessions.

Déstabilisé par l’arrivée en masse des produits occidentaux, le Japon connait alors une profonde crise économique. Des samouraïs xénophobes tentent de s’opposer aux Occidentaux. Affaibli, le shogun décide de restituer ses pouvoirs à l’empereur.

L’ère Meiji


Le 3 janvier 1868, la Cour proclame la restauration du régime impérial. Le jeune empereur Mutsuhito quitte Kyoto pour Edo, rebaptisée Tokyo ou capitale de l’est. Cette nouvelle ère est appelée Meiji (lumières).

L’ouverture devient désormais la politique officielle du nouveau régime. Le Japon s’engage dans la voie de la modernisation. Les grandes réformes se succèdent et visent à l’abolition de l’ancien régime et à l’intégration dans le système international : l’école devient obligatoire, les seigneurs sont nommés hauts fonctionnaires, un service militaire est instauré mettant un terme aux prérogatives des anciens samouraïs. En 1889, le Japon est le premier pays d’Asie à se doter d’une Constitution et à faire élire un Parlement.

Parallèlement à ses réformes intérieures, Le Japon cherche à s’imposer comme une puissance régionale, puis internationale. Une ambition qui provoque la guerre contre la Chine (1895) et contre la Russie (1905) dans laquelle le Japon gagne la Corée, Taïwan et d’autres territoires. A la première guerre mondiale, le Japon se range du côté des alliés. En 1919, lors de la paix de Versailles, il accède au rang de grande puissance, la seule à ne pas être d’origine européenne.

La seconde guerre mondiale


A partir des années 20, l’armée japonaise connait un rôle grandissant. L’expansionnisme militaire se poursuit avec l’invasion de la Mandchourie en 1931 et une seconde guerre sino-japonaise.

Face à l’opprobre national, le Japon se retire de la Société Des Nations en 1933. Cet isolement renforce l’amertume des ultranationalistes qui entreprennent de purger le Japon des concepts et termes étrangers. L’enseignement retombe dans le culte nationaliste de l’empreur et pratique l’endoctrinement (empereurs et guerriers mythiques sont présentés comme historiques) et la glorification de la race japonaise.

En 1936, le Japon s’allie à l’Italie et à l’Allemagne. A partir de 1937, le premier bombardement aérien à Shanghai, puis le sac de Nankin où des 200 000 civils chinois sont massacrés, constituent l’une des pages les plus sombres de l’histoire et provoquent encore aujourd’hui de solides rancœurs entre Chinois et Japonais.

Les Etats-Unis réagissent à l’agression contre la Chine en mettant fin aux exportations de matières premières, en gelant les avoirs japonais et en décrétant un embargo sur le pétrole. Le japon répond par une attaque sur Pearl Harbor dans l’archipel d’Hawaï le 7 décembre 1941, s’enfonçant ainsi dans la guerre.

En 1942, le Japon a envahi presque toute l’Asie du Sud-Est, mais sa flotte est laminée à la bataille de Midway. Le fanatisme envoie de jeunes soldats à la mort dans des missions suicides.
En mars 1945, les bombes incendiaires frappent Tokyo, faisant 100 000 morts et détruisant 700 000 maisons. L’attaque se répète sur des sites stratégiques à travers l’archipel, mais le Japon ignore l’invitation des alliés à se rendre sans conditions. Le 6 août, les Etats-Unis lâchent une bombe atomique sur Hiroshima, rayant la ville de la carte et tuant 150 000 personnes. Trois jours plus tard, une nouvelle bombe atomique frappe Nagasaki.


Le 14 août, l’empereur Hirohito annonce lui-même à la radio la capitulation de son pays. Le Japon se rend sans conditions le 2 septembre 1945. Le pays est en ruine, au milieu d’une Asie ravagée par la guerre. Pour la première fois de son histoire, l’archipel est occupé par une armée étrangère. Le Japon va rester sous la tutelle des Etats-Unis jusqu’en 1952.

L’après-guerre


Sous la pression des autorités américaines d’occupation, une nouvelle Constitution est adoptée en 1947. Les principaux changements sont politiques. Alors que l’empereur possédait jusque-là tous les droits de souveraineté, la nouvelle Constitution stipule que le « pouvoir souverain est détenu par le peuple ». L’empereur est maintenu sur le trône comme symbole de la nation, mais il n’a plus que des fonctions honorifiques et perd ses attributs divins.

Le pouvoir exécutif est confié à un cabinet de 18 ministres avec à sa tête un Premier ministre élu par les députés et les sénateurs (la Diète). La nouvelle Constitution reconnait également le droit de vote pour les deux sexes et l’égalité de tous devant la loi. Le shintoïsme cesse d’être religion d’état. L’ensemble du système politique, économique et éducatif du pays est remodelé. Mais les cicatrices de la guerre sont nombreuses.

Le général américain Mac Arthur doit organiser en 1946 et 1947 des convois d’approvisionnement en provenance des Etats-Unis pour sauver le Japon de la famine. Au sortir de la guerre, le Japon compte 22 millions de sans-abri et une personne sur trois est au chômage.
Les Etats-Unis fournissent une aide financière qui encourage le renouveau du pays. L’économie se rétablit rapidement et permet le retour de la prospérité. La défaite militaire et la nouvelle liberté d’expression sont à l’origine d’un bouillonnement intellectuel et scientifique.

En 1954, le Japon vote une loi qui accorde à l’armée des prérogatives uniquement défensives et lui interdit de posséder l’arme atomique.

Les années d’après-guerre sont surtout marquées par le « miracle japonais ». En 1961, le Japon a déjà remboursé l’aide fournie à la fin de la guerre par les Etats-Unis. Lorsque débutent les jeux Olympiques de Tokyo en 1964, le pays est à l’apogée de sa puissance. Symboliquement, il inaugure le train le plus rapide du monde, le shinkasen.
L’empereur Hirohito décède en 1989, marquant la fin de l’après-guerre au Japon.

Anne

Japon, pays de contradictions

A l’extrême est de l’Asie se trouve un archipel aux mille visages : le Japon. Avec ses 3000 îles disséminées le long de l’Anneau de Feu du Pacifique et ses 60 volcans en activité, il est à la merci des rugissements de la terre. 70% de sa population (évaluée à 127 millions) se regroupe dans la région de Tokyo.


Des temples shinto aux monastères zen, en passant par les châteaux des samouraïs, l’époque médiévale recèle de nombreux trésors toujours visibles.
De cette époque où les japonais vivaient coupés du reste du monde sont nées des pratiques artistiques encore bien vivantes : la calligraphie, l’art floral (ikebana), la cérémonie du thé ou le port du kimono. Le Japon en a fait un art de vivre, entre tradition et modernité.

Le Japon est avant tout un pays de contrastes. Il contraint souvent ses visiteurs, dont nous avons fait partie, à modifier leurs perceptions de sa société.

La sortie d’une gare importante pourra tout aussi bien vous mener dans la rue que dans un grand magasin où vous découvrirez un étage entier consacré à la restauration avec des établissements traditionnels aux sols de tatamis
et d’autres alignant dans leurs vitrines des reproductions en plastique de plats typiques.
Sur le toit de ce même grand magasin, un sanctuaire aux côtés d’un practice de golf, sport très prisé des japonais.
La société japonaise offre une étonnante fusion entre l’Orient et l’Occident : marchés aux poissons et distributeurs automatiques, kimonos et costumes-cravates, un prêtre zen sur sa Honda, un salaryman (employé de bureau) s’inclinant devant un client avec son téléphone mobile, des néons aux idéogrammes scintillants…

Bien que la société japonaise moderne soit issue d’un système féodal, le Japon d’aujourd’hui est étonnamment égalitaire. L’appartenance à une classe se définit aujourd’hui par l’éducation et la situation professionnelle. La nouvelle élite du Japon se compose désormais des hauts dignitaires du gouvernement et des chefs des entreprises prestigieuses.
Les japonais ont une approche à la fois pratique et polythéiste de la religion. Ils la considèrent essentiellement comme un instrument leur permettant de demander aux dieux d’exaucer leurs souhaits. Dans les maisons, il est courant de trouver des autels bouddhistes et shintoïstes. Le confucianisme, apparu au 6e siècle et plus apparenté à un code moral qu’à une religion, est souvent dépeint comme la troisième religion du pays.
Ces croyances, ajoutées aux valeurs familiales, à la dévotion au travail et à une mentalité de groupe plutôt qu’individualiste, ont longtemps été les caractéristiques majeures de la société.

Des fissures commencent aujourd’hui à apparaître. De nombreux jeunes s’interrogent sur le bien-fondé de ces sacrifices personnels. La vie extérieure au groupe attire de plus en plus. Les jeunes couples ne vivent plus systématiquement avec leurs parents et certains hommes cessent de se fréquenter après leurs heures de travail afin de consacrer plus de temps à leur famille. Le divorce et le célibat des femmes augmentent également.
La société japonaise reste cependant très phallocrate. Même qualifiées, les femmes sont souvent confinées à des tâches subalternes et peu d’entre elles se hissent à un poste de direction. Elles portent l’uniforme (pas les hommes), répondent au téléphone et servent le thé aux hommes. Embauchées à 20 ans avec un salaire inférieur à celui des hommes, elles sont censées démissionner à leur mariage. Les femmes retournent travailler une fois leurs enfants élevés, mais beaucoup retardent leur mariage pour des questions de carrière.

La famille urbaine moyenne, avec un enfant, habite un trois-pièces. L’espace est rare et les japonais cherchent leurs distractions hors du foyer. Quand l’homme reçoit, la femme sert les hôtes, puis mange à part. Mais elle règne sur le foyer . Le mari lui confie son salaire et reçoit de l’argent de poche, l’okozugai.

La notion d’harmonie, découlant du respect des règles et du consensus, est capitale au Japon. Elle impose de masquer ses soucis derrière un sourire de façade ou de suivre l’exemple du groupe. Les japonais détestent se faire remarquer et répugnent à exprimer leurs opinions personnelles. Ils préfèrent rester dans le vague plutôt que de dire les choses directement. Le franc-parler est une grossièreté. Petite subtilité de la pensée japonaise : bien que le « non » existe dans la langue, les japonais ne disent jamais « non », mais « je dois réfléchir ».

Les sports et les loisirs revêtent une grande importance pour les japonais. Les sports traditionnels incarnent à leurs yeux les principes culturels de base, spirituels ou esthétiques, dans lesquels la manière compte autant que la méthode. Ceci s’applique particulièrement aux disciplines anciennes comme le kyudo (tir à l’arc), le kendo, le karaté et l’aïkido. Le sumo, sport national, a pour origine un rituel mystérieux lié aux prières adressées aux dieux pour obtenir des récoltes abondantes.



L’art de vivre demeure essentiel. Le spectacle des érables à l’automne, de la lune ou des paysages enneigés sont aussi bien célébrés dans la littérature, l’art et la poésie de la période Heian que dans les estampes de la période Edo.



Nous avons quitté ce pays fascinant avec le sentiment d’y avoir rencontré un peuple hospitalier pour qui politesse et respect de l’autre sont une seconde nature.

Anne

29 janvier 2010

Sayonara ! ce n'est qu'un au revoir

Samedi 30 janvier 2010

Départ de Kyoto à 5 heures du matin en autocar pour rejoindre l’aéroport d’Osaka, construit sur la mer, et prendre un premier avion en direction de Tokyo-Narita où nous ferons nos adieux à notre guide Tomo et embarquerons pour la France.

Dernier présent des kami, une vue magnifique sur le Mont Fuji. Pour moi, ce n’est qu’un au revoir au Pays du soleil levant car j’espère bien pouvoir y revenir un jour pas si lointain…

Anne.

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Ils nous ont fait suivre leur périple : Anne, Chantal, Dominique, Annick, Corinne et Philippe.


Nous les remercions d'avoir pris le temps de nous faire partager leurs émotions, leurs coups de coeur, leurs photos au fil des jours.




Ils ont rejoint ce matin la ville d'Osaka pour leur vol de retour en France.





Souhaitons leur bon voyage et à très bientôt ... dans notre vieille Europe !
photo : Philippe de Destinatours


Du chemin de la philosophie aux icônes de la féminité du monde flottant










Vendredi 29 janvier 2010

Notre périple touche à sa fin. C’est notre dernière journée à Kyoto et il nous reste tant à découvrir et si peu de temps !

Sous un éclatant soleil matinal, nous nous rendons au temple Gingaku-ji ou Pavillon d’Argent, considéré par certains comme un chef d’œuvre inégalé de l’art du jardin. Ce temple fut la retraite montagneuse du shogun Yoshimasa Ashikaga (1435-1490), à l’origine d’une renaissance artistique très influencée par le bouddhisme zen et baptisée culture d’Higashiyama. Elle est célèbre pour la cérémonie du thé, l’art japonais de l’arrangement floral, le théâtre nô et la calligraphie.

Sybarite et esthète, Yoshimasa fit construire, entre 1479 et 1482, le temple Gingaku-ji comme luxueuse retraite de campagne. Il voulut le faire recouvrir de feuilles d’argent pour imiter le Pavillon d’Or de son grand-père Yoshimitsu, mais la ruineuse guerre d’Onin contrecarra son projet. Privé de sa couche de métal, le Pavillon d’argent brille de la patine des ans. Il s’agit d’une construction en bois laqué dont le hall principal est destiné à la prière et le premier étage aux habitations du shogun. Il fut transformé en temple à la mort de Yoshimasa.

L’édifice est l’un des plus beaux de Kyoto. Avec ses hauts pins, son sable ratissé et son étang peuplé de belles carpes, le jardin a été dessiné par l’architecte paysagiste Soami pour accueillir les soirées d’observation de la lune d’automne par Yoshimasa.




Un chemin bordé d’arbres serpente dans la colline et donne une vue splendide sur le site et la ville.

Ce jardin est censé figurer le paradis bouddhique avec le mythique mont Meru, sorte de centre du monde situé dans l’Himalaya.

Nous sommes en admiration devant les subtiles nuances des mousses, les perspectives géométriques du jardin zen et la perfection du ratissage.
Notre programme prévoyait une promenade le long du « chemin de la philosophie », malheureusement en travaux au moment de notre venue. Nous nous sommes donc limités à le contempler du regard.

Tetsugaku-no-michi, littéralement « le chemin de la philosophie » est l’un des endroits les plus appréciés de Kyoto, tout particulièrement au printemps et à l’automne. Le chemin suit un canal bordé de cerisiers, d’érables, d’anciennes maisons et de temples. Nishida Kitaro (1870-1945), professeur de philosophie de l’Université de Kyoto, est à l’origine de son nom car il l’empruntait quotidiennement.

Avant notre quartier libre de l’après-midi, une petite halte « magasinage » au Kyoto Craft Center. Ce centre commercial propose sous un seul toit tous les types d’artisanat régionaux : papier japonais traditionnel (washi), sets de calligraphie (pierre à encre, pot à eau, pinceau et encre), objets en bois ou en bambou (peignes, poupées, plateaux, bols et boites laqués), estampes, théières en fonte, jouets et porte-bonheur (comme le chat porte-bonheur maneki-neko), textiles, vêtements, bijoux, céramiques (bols, assiettes, coupes), sabres et armures de samouraïs etc.

Passionnée par le papier et les estampes, je ne peux résister au plaisir de leur consacrer quelques lignes.

Le washi (littéralement papier japonais) est fabriqué artisanalement à partir d’écorce de mûrier depuis 1300 ans. Il est réputé pour sa légèreté, sa flexibilité et sa solidité. Il en existe plus de 400 sortes aux épaisseurs, motifs et couleurs variés (uni, teint, imprimé, incrusté de pétales, moucheté de feuilles d’or ou d’autres fragments colorés…). On l’utilise en papeterie, mais aussi pour réaliser des boîtes, des abat-jour, des cerfs-volants ou bien encore des pliages (origami).
Durant l’ère Edo, les gravures sur bois, baptisées ukiyo-e ou images du « monde flottant » , l’univers du plaisir, devinrent l’art pictural le plus populaire du Japon. Ces œuvres eurent une influence profonde sur certains artistes comme Matisse ou Manet. Le graveur collait le dessin sur des blocs de bois et évidait tout ce qui ne devait pas apparaître sur la gravure. Il prévoyait un bloc par couleur. L’imprimeur encrait les blocs et les pressait sur le papier, couleur par couleur, en commençant par la plus claire. Il avait recours aux teintures végétales dont certaines étaient très onéreuses. La teinture rouge (beni) issue du carthame, pouvait valoir plus que son poids en or. Certaines estampes utilisaient jusqu’à douze couleurs. De 1790 à 1850 environ, l’âge d’or de l’ukiyo-e, les estampes célébrèrent les jolies femmes, les acteurs de kabuki, des scènes du Japon et le surnaturel. Fantômes et lutins constituaient un thème favori.

L’après-midi, nous profitons de notre quartier libre pour explorer Nishiki Market Alley. Surnommée la cuisine de Kyoto, Nishiki est une allée fascinante. C’est ici que la plupart des chefs achètent leurs ingrédients. Nombre des aliments vendus tels que le fu (gluten de blé) et le yuba (peau de lait de soja) ne sont utilisés que dans la cuisine de Kyoto. Aritsugu, à l’extrémité est de Nishiki, est réputé pour ses couteaux japonais et autres ustensiles de cuisine.

Nishiki Market est en fait un véritable dédale. En suivant l’allée principale, on découvre de multiples ramifications où il fait bon se perdre.

Tout est d’une propreté indescriptible et savamment présenté. Les japonais sont passés maîtres dans l’art de l’arrangement. Qu’il s’agisse des fleurs, des légumes, des épices ou des poissons, leurs compositions sont un véritable enchantement des yeux. Il est très difficile de ne pas s’arrêter à chaque étal :




des chrysanthèmes pastels à base de pâte de poisson pour parfumer les soupes aux sucettes de poulpes en passant par les sucres décorés, nous ne savons plus où poser notre regard.








Au fond de l’allée, nous découvrons même un petit sanctuaire shintoïste baignant dans une chaude lumière de fin d’après-midi.

De retour à l’hôtel, nous finalisons nos bagages en prévision d’un coucher tardif et d’un lever nocturne avant de retrouver le groupe pour notre dernière soirée au Japon. Nouvelle cerise (et quelle cerise) sur le gâteau de riz : une maiko (apprentie geisha ou geiko) réservée par Philippe pour embellir notre repas.

Les geishas sont issues des quartiers de plaisir, le « monde flottant » d’il y a trois siècles. Les grandes maisons vertes du 17e siècle accueillaient des banquets rehaussés par la présence de courtisanes versées dans l’art du chant et de la danse. Les amuseurs itinérants qui les accompagnaient étaient appelés les otoko geisha (artistes hommes). Dans les années 1700, on appelait geiko (femme artiste ou enfant des arts) les meilleures de ces courtisanes.
Une geisha dédie sa vie à la pratique des arts traditionnels (musique, chant, danse, cérémonie du thé, art floral). Elles étaient très nombreuses aux 18e et 19e siècles. Les jeunes filles étaient vendues par les familles pauvres à des maisons de geishas qui se chargeaient de les éduquer. Durant leur enfance, elles travaillaient comme bonnes, puis comme assistantes pour contribuer à leur entraînement, mais aussi pour assurer le coût de leur formation. Bien qu’autrefois il était presque systématique d’acheter leur virginité, elles n’étaient pas forcées d’avoir des relations sexuelles avec leurs clients.

Beaucoup de jeunes filles rêvent de devenir geisha, mais moins d’une sur trois supportera la rigueur de la formation réservée aux maiko (apprenties) dans les okiya (maisons de geishas) où leur sont enseignés le chant, la danse, le shamisen (luth à trois cordes originaire d’Okinawa) et le maintien. Certaines se spécialisent dans un art particulier et les talents des geishas confirmées suscitent l’admiration.

La geisha de Kyoto préfère être appelée geiko. Moins confirmée que sa « sœur », la maiko, apprentie geiko, n’existe qu’à Kyoto. Il existe quatre enclaves de ces artistes : Gion-kobu, Pontocho, Miyagawacho et Kamishichi-ken. Des spectacles de danse y sont organisés au printemps et à l’automne. En dehors de ces manifestations, on ne peut admirer l’art des geiko qu’en privé, dans un ryotei (restaurant), une ochaya (maison de thé) ou une ryokan (auberge).
L’art des geiko n’est enseigné qu’à Kyoto. Les jeunes femmes portent une coiffure distinctive et un costume particulier – un long obi aux extrémités pendantes, de grandes socques (koppori) et un sous-kimono au col brodé. Lorsqu’elles deviennent des geiko à part entière, elles échangent leur col brodé pour un col blanc.

Avec son visage très poudré et sa bouche réduite à deux pétales rouge vif, la geisha est une icône de la féminité. Le visage blanc et les lèvres rouges au dessin délicatement précis sont des idéaux classiques de beauté au Japon. Les cheveux de la maiko sont naturels. Les épingles à cheveux varient selon la saison. La courbe du cou, dont la peau n’est pas peinte, inspire la volupté. Même à un âge avancé, certaines geishas imposent le respect comme interprètes des arts de la scène traditionnelle.

La geisha d’aujourd’hui gagne beaucoup d’argent. Sa garde-robe comprend une collection entière accordée à chaque saison. Elle évitera de porter deux fois le même kimono devant le même client et cherchera souvent à se trouver un danna, protecteur fortuné qui fera d’elle sa maîtresse. Plusieurs premiers ministres ont épousé une geisha.
Tokyo compte un millier de geishas, quasi-invisibles, alors qu’elles ne sont guère plus de 500 à Kyoto, leur capitale. Loin d’être démodées, elles savent converser sur n’importe quel sujet contemporain.


Au menu de notre dernier repas (au Japon s’entend), le shabu-shabu, fondue japonaise à base de bœuf cru émincé et de légumes, le tout cuit à table par les convives eux-mêmes, selon leur désir, dans un nabe (plat en fonte). En guise d’accompagnements, les yudofu, gros cubes de tofu (pâte à base de lait de soja) mijotés dans un bouillon d’algues peu relevé et les tempura (beignets de légumes et de grosses crevettes) qui étaient à l’origine un plat portugais.
Dans la cuisine japonaise, la cuisson, toujours brève, ne sert qu’à rehausser la saveur naturelle des aliments. La chair du poisson doit rester ferme tandis que celle du poulet sera toujours légèrement rosée. Les légumes, croquants, gardent leur couleur. Même frits, les aliments ne doivent jamais être gras, l’huile n’étant destinée qu’à conserver leur goût. La shoyu, sauce de soja japonaise, est au cœur de la préparation de la majorité des plats.

(pour bénéficier du son original, éteindre la music box)

Notre maiko est aux petits soins pour nous. Entre deux danses, elle répond à nos questions sur son apprentissage de future geiko et nous sert le saké avec cette grâce dans tous ses gestes que nous serions bien en peine de reproduire.


Le saké (vin de riz) est un vin obtenu par fermentation, puis pasteurisation, de riz et d’eau. Les connaisseurs le jugent d’après cinq qualités : la douceur, l’acidité, le piquant, l’amertume et l’âpreté. Il peut se boire chaud, mais les plus fins d’entre eux se dégustent frais, afin de faire ressortir leurs saveurs subtiles. Contrairement au vin, le saké se bonifie rarement en bouteille et ne doit pas être conservé plus de quelques mois dans un lieu sec et frais. Pour réchauffer le saké, la bouteille est placée dans l’eau chaude. Le taruzake (saké en fût) parvient à maturation dans des fûts en cyprès, souvent présentés comme offrande dans les sanctuaires shintoïstes. Le saké le plus fin est le dai-ginjo. Il est fabriqué à partir du cœur du grain de riz.

A petits pas, notre maiko est partie à son prochain rendez-vous après nous avoir salués à la japonaise. Il n’est pas d’usage au Japon de se serrer la main ou de s’embrasser pour se saluer. Les Japonais pratiquent l’Oijigi qui consiste en l’inclinaison du corps face à son interlocuteur, les bras tendus le long des jambes. La femme doit, elle, garder les bras pliés devant son buste pendant le salut. Le degré, le nombre et la durée de l’inclinaison varient selon les circonstances, l’âge de l’interlocuteur et sa position hiérarchique. L’oijigi est utilisé aussi bien pour remercier, s’excuser, se dire bonjour que pour se séparer.

Encore sous le charme de son sourire empreint de mystère, nous terminons notre repas avec le traditionnel thé vert. Les feuilles de thé vert sont divisées en trois catégories : les gyokuro, les plus délicates, récoltées en mai, les sencha, ramassées en mai ou juin et les bancha dont les larges feuilles sont cueillies au mois d’août. Stérilisées à la vapeur, elles sont ensuite séchées. Les bancha sont généralement grillées ou mélangées à d’autres ingrédients tels que le riz brun, afin de leur donner plus de corps.

Les feuilles de thé, généralement en poudre, sont placées dans la théière. Il faut ensuite verser de l’eau bouillante sur les bancha et une eau légèrement refroidie sur les sencha et les gyokuro. La durée d’infusion doit être d’environ une minute.


Anne

Les trésors de Nara

Jeudi 28 janvier 2010

Sous une pluie abondante, nous prenons la route au petit matin pour Nara qui fut la capitale du Japon entre 710 et 794. Son histoire est plus ancienne encore que celle de Kyoto. Elle fut le berceau des arts, de la littérature et le nombre de statues de bouddha témoigne d’une ferveur religieuse très importante.

Fondée sur la plaine de Yamato, Nara devint le grand centre du bouddhisme et l’ultime destination de la route de la soie. Cette cité ancienne est entourée de temples ceints de parcs et de quelques-uns des plus anciens bâtiments de bois du pays.

De structure rectangulaire très simple, avec ses rues en damier, Nara se divise en blocs. Le centre ville se trouve à quelques minutes de marche du parc de 525 ha qui abrite la plus grande partie des temples et donne asile à 1500 daims (shika) apprivoisés. Les daims occupaient le Japon bien avant les Japonais. Messagers divins selon le shintoïsme, ils sont présents à Nara depuis des siècles. Des étals vendent des biscuits pour daims (shika sembei), souvent mâchonnés par les étrangers qui les prennent pour des spécialités locales.

Les kami (esprit divin) semblent avoir étendu leur protection sur nous. Après 1h30 de route, nous arrivons au temple Horyu-ji, situé dans la ville d’Ikagura-no-Sato, à dix kilomètres au sud de Nara. Le ciel est gris, mais la pluie s’est arrêtée et nous prenons le risque de laisser nos parapluies dans l’autocar.

Avant de pénétrer dans l’enceinte du temple, un nouvel aparté, cette fois-ci sur le bouddhisme. Parmi les 300 millions de bouddhistes actuels, 100 millions sont japonais. Le bouddhisme a joué un rôle essentiel dans la formation du Japon. Comme en Europe à la fin du Moyen Age, les moines détiennent la clé de la connaissance. D’abord Coréens et Chinois, ils apprennent à lire et à compter, à construire des temples, des routes et des villes et posent les bases de la culture, des arts, du gouvernement et du droit.

Le bouddhisme est fondé sur l’enseignement de Siddharta Gautama (vers 560-480 avant J.-C.), également appelé Shakyamuni, né dans le sud du Népal. Après sa mort, il est vénéré comme le Bouddha, « celui qui est illuminé ou éveillé ». Ses disciples consigneront plus tard par écrit ses enseignements oraux.

Pour le bouddhisme, toute vie est souffrance, conséquence des attachements, des désirs et de l’ignorance. Le remède se trouve dans l’abstinence, la justice et la méditation, étapes menant à l’illumination. Le comportement dans la vie présente détermine la qualité de la réincarnation dans la suivante. Après la mort, ceux qui ont atteint l’illumination brisent le cycle de souffrances et de renaissances pour entrer au nirvana, un état de béatitude parfaite.
Apporté par des émissaires coréens vers 538 ou 552, le bouddhisme japonais s’appuie essentiellement sur la doctrine mahayana. Elle enseigne que seuls des saints très éclairés deviennent des bodhisattvas ou bosatsu, incarnations déifiées d’aspects de la nature de Bouddha.

Le bouddhisme est proclamé religion d’état par Shotoku en 594. Dans un premier temps, il attire les classes supérieures de la société, jusqu’à ce que le moine Saicho (767-822) fonde la secte Tendai. En incorporant des divinités shintoïstes dans sa doctrine, le bouddhisme connait un immense succès. Le moine Kukai (774-835) étudie le bouddhisme en Chine et fonde au Japon la secte Shingon qui prône un bouddhisme ésotérique dont l’influence va dépasser celle de la secte Tendai à la fin de la période Heian. Elle compte aujourd’hui 12 millions de fidèles.

Fondé en Chine par le moine indien Bodhidharma au 6e siècle, le zen (chan en chinois, du sanscrit dhyana qui signifie méditation) est introduit au Japon par le moine Eisai (1141-1215). Dépourvu de doctrines ou de textes, le zen est transmis verbalement du maître à son disciple. Il soutient que l’illumination ne peut être atteinte que par la méditation (zazen). Axé sur une autodiscipline austère, sur la frugalité et le labeur, le zen apporte des concepts spirituels aux arts martiaux, le rendant cher aux samouraïs. Cette adhésion des samouraïs permet au zen d’atteindre son apogée entre le 15e et le 17e siècle. Il apporte des innovations en matière de calligraphie, de poésie, de peinture, introduit la cérémonie du thé et réinvente l’arrangement des fleurs pour en faire un art. L’influence du zen est encore vive dans le Japon moderne.

Pénétrons maintenant à l’intérieur du temple Horyu-ji. Les parties les plus anciennes datent de la période Asuka et sont considérées comme étant les plus vieilles constructions en bois du monde. Leur construction coïncide avec l’introduction du bouddhisme au Japon. Elles illustrent l’adaptation de l’architecture et des plans bouddhiques chinois à la culture japonaise.
D’après les textes anciens, l’empereur Yomei, en proie à la maladie, fit le vœu de bâtir un temple et d’y installer une statue de Bouddha afin d’obtenir la guérison. Il mourut peu de temps après sans avoir pu réaliser son vœu, mais l’impératrice et le prince héritier Shotoku (573-621) firent construire en 607 un temple nommé Horyu-ji ou « temple de la loi florissante ». Le prince Shotoku s’efforça également d’imposer la pratique bouddhiste, parallèlement à celle du shintoïsme, pour en faire un pilier du système de croyances japonais.

Berceau du bouddhisme japonais, le temple Horyu-ji abrite des effigies antiques de Bouddha et se compose de deux parties : le To-in (partie est) et le Sai-in (partie ouest).
Inspirée des stupa bouddhiques de l’Inde (tumulus ou montagne funéraire en forme de dôme contenant les restes d’un défunt), la pagode à cinq étages est l’une des structures séculaires du temple et la plus ancienne de son genre au Japon. Sur le plan symbolique, chaque niveau correspond à un élément : la terre, l’eau, le bois, l’air et le ciel. Son pilier central vient du tronc d’un cyprès et sa forme renflée évoque le style grec classique, véhiculé par la route de la soie. Un fragment d’os de Bouddha est conservé à sa base.





Au-delà de la route bordant le parc de Nara au sud se trouve le temple Shin-Yakushi-ji, dédié au Bouddha de la Médecine, et son petit jardin à l’atmosphère intemporelle et baignée de nostalgie.









Il fut construit en 747 par l’impératrice Komyo, en guise d’offrande au Bouddha pour avoir permis la guérison de l’œil malade de son mari, l’empereur Shomu. Il est devenu l’un des quartiers généraux de l’école Hosso-shu. Son toit est encore pourvu de tuiles oni-gawara ou tuiles « démons », disposées aux angles et destinées à faire peur aux mauvais esprits.

La seule structure originelle subsistante est la salle principale (Yakushi-do) dont les structures sont toutes des « trésors nationaux ». Le principal objet de dévotion est une statue de 2,4 mètres de haut de Yakushi-Nyorai, le Bouddha de la Médecine, assis, entouré du Bouddha de la Miséricorde, Kannon aux onze visages, et de Juni-Shinsho, les douze guerriers divins, dans des poses grimaçantes, très expressives.

Il y a en réalité onze statues d’argile de guerriers revêtus de leur armure, l’une d’elles s’étant perdue il y a des siècles. Hautes de 1,60 mètres de haut et recouvertes de chaux, elles étaient à l’origine peintes à la feuille d’or. Leur souvenir demeure à l’intérieur de nous car les photographies sont interdites.


A l’extrémité nord-ouest du parc de Nara, nous atteignons le temple Todai-ji, célèbre pour sa statue en bronze du Grand Bouddha, le Daibutsu.

L’ensemble du Todai-ji est constitué d’un grand temple de Bouddha (Daibutsuden), de temples secondaires, de salles, de pagodes et de portes d’un intérêt architectural et historique exceptionnel. Sa construction, achevée en 752, fut ordonnée par l’empereur Shomyo, officiellement pour abriter l’effigie du grand Bouddha de Nara, mais aussi pour consolider la position de capitale et de puissant centre bouddhiste de la ville. Sa fabrication a pris huit ans et mobilisé 100 000 personnes.

La monumentale porte sud (Nandaimon), devant l’entrée, date aussi du 8e siècle. Elle est flanquée de chaque côté de féroces divinités gardiennes, debout dans des niches. Ces effigies en bois sculpté de huit mètres de haut datent de la période Kamakura et sont attribuées à l’école du sculpteur Unkei.

Le temple principal du Todai-ji (Grand Temple de Bouddha) fut reconstruit à plusieurs reprises. La structure actuelle, terminée en 1709, qui n’atteint que les deux tiers de la taille originale, reste le plus grand bâtiment de bois du monde. Son toit décoré est étonnant. Il est orné de cornes d’or et d’un linteau incurvé (embellissement du 18e siècle).

Le soutien de charpente de la grande salle, entièrement en bois, est inhabituel. Construite de 1689 à 1709, cette salle est sans doute l’œuvre d’artisans chinois.

Elle abrite la statue de bronze la plus massive du Grand Bouddha. Le moulage de cette immense statue datant de 752 nécessita des centaines de tonnes de bronze fondu, du mercure et de la cire végétale. Assis sur son piédestal, ce colosse, pesant 550 tonnes dont 290 livres d’or, s’élève à 16 mètres de hauteur. Les incendies et les tremblements de terre déboîtèrent la tête à plusieurs reprises. Lors de son époussetage, on peut observer quatre ou cinq moines affairés dans la main de Bouddha.
A gauche et à droite du Grand Bouddha, deux Bosatsu ou Bodhisattva (être ayant reçu l’illumination) datant de 1709 : Bosatsu Kokuso et Bosatsu Niyorin Kannon.


Derrière lui, deux gardiens célestes datant du milieu de l’époque Edo : Koumokuten et Tamonten. Un pilier de bois situé à droite est censé ouvrir le chemin de la révélation à ceux capables de se glisser dans le trou de sa base – un privilège réservé aux personnes minces.






Nous terminons notre journée à Nara par le grand sanctuaire Kasuga. A l’origine sanctuaire tutélaire des Fujiwara, l’une des familles fondatrices de Nara, Kasuga est l’un des sites shintoïstes les plus célèbres. Les rues et les allées boisées qui accèdent à ce sanctuaire vermillon s’ornent d’environ 3000 lanternes de bronze et de pierres, délicatement enveloppées d’un manteau de brume à notre arrivée.

Fondé par l’ancien homme d’état Fujiwara no Michinaga en tant que sanctuaire familial en 768, Kasuga Taisha est un symbole du style de temple chinois en vogue entre les 7e et 10e siècles. Sommées de mousse, les lanternes de pierre ornent le sanctuaire de Kasuga depuis le 11e siècle. Comme la plupart des grands sanctuaires shintoïstes, les principaux édifices sont rituellement démolis et rebâtis à l’identique tous les 20 ans. L’allée menant au sanctuaire (800 mètres de long) est bordée par près de 2000 lanternes en pierre données par les fidèles depuis le 11e siècle. 1000 autres, en bronze, sont accrochées à l’avant-toit des édifices les plus proches du principal lieu saint.


Avant de quitter définitivement ce sanctuaire, quelques précisions sur le shintoïsme ou « voie des dieux ». Il trouve ses origines dans les tribus préhistoriques et ses racines dans une religion populaire animiste qui vénère les kami, dieux habitant toute chose, même le soleil.
En dehors du sanctuaire, les cérémonies shintoïstes peuvent aujourd’hui présider à l’inauguration d’un chantier d’immeuble ou d’usine, voire même à la bénédiction d’une nouvelle voiture. Brandissant des branches vers les points cardinaux pour éloigner les esprits malins, le prêtre est assisté des miko (servantes dans le sanctuaire), dont les mouvements évoquent ceux d’un chaman en transe.

Des influences chinoises ont transformé le shintoïsme en un culte des ancêtres selon lequel chacun – surtout les empereurs – devient kami (esprit divin) après sa mort.
Le shintoïsme ne possède ni doctrine, ni éthique. La prêtrise, fonction héréditaire, consiste à entretenir le sanctuaire.

On reconnait les sanctuaires shintoïstes aux torii situés à l’entrée. Ils sont souvent ornés de blanc et de rouge, couleurs rituelles masculine et féminine. Les anciens dieux, dépourvus de forme, ne sont pas figurés. Un torii (« là où se trouvent les oiseaux ») est un portail traditionnel japonais séparant le sacré du profane. Du fait de sa fonction de séparation symbolique du monde réel et du monde spirituel, chaque torii traversé lors de l'accès à un lieu sacré doit être retraversé dans l'autre sens afin de revenir dans le monde réel. Il n'est pas rare de voir des japonais contourner un torii lorsqu'ils ne pensent pas repasser plus tard par cet endroit.
Le shintoïsme est une religion agraire, liée au cycle des récoltes. Les devoirs rituels de l’empereur comprennent encore la cérémonie de la plantation et de la récolte du riz. 70 millions de personnes rejoignent les sanctuaires en début d’année pour obtenir la protection divine.
Le shintoïsme fuit l’impureté et la pollution. Lorsqu’ils pénètrent dans un sanctuaire, les japonais se lavent les mains et se rincent la bouche. Ils annoncent ensuite leur présence au dieu en faisant sonner la cloche à l’aide d’une corde suspendue au-dessus de l’autel.

Fourbus, mais comblés, nous reprenons la route en direction de Kyoto que nous atteignons à la tombée du jour, heure idéale pour flâner dans le quartier de Gion.

Oscillant entre le clinquant et le sublime, Gion est le quartier réputé des Geishas. Le quartier se développa à l’époque féodale. Aux éventaires destinés à répondre aux besoins des pèlerins et autres visiteurs, succédèrent les maisons de thé (ochaya) comblant toute une variété d’appétits. A la fin du 19e siècle, le Kabuki, situé sur les rives de la rivière Kamo, déménagea dans plusieurs salles, renforçant la réputation de quartier de plaisirs de Gion.

Fondé au 17e siècle, le Kabuki est un théâtre flamboyant, avec des costumes somptueux et une distribution masculine. Narrant la geste des dieux, des guerriers fantômes, des fous, des femmes et des démons, le théâtre nô (talent) était la chasse gardée des samouraïs. A Edo, les représentations étaient interdites au peuple. Au début du 17e siècle, une femme appelée Okuni présente à Kyoto un nouveau genre de théâtre dansé : le Kabuki était né. Le shogunat voulut supprimer ce qui servait souvent de façade honorable à la prostitution en interdisant la présence de comédiennes sur scène. Le Kabuki leur substitua alors des acteurs travestis, les onnagata.

Séduits par les petites ruelles du quartier de Gion avec ses antiques façades en bois et leurs lanternes en papier tremblotantes qui les éclairent d’une douce lumière, nous les avons quittées avec regret pour rejoindre notre restaurant avec buffet dans des rues plus marquées par la culture occidentale.

Anne
photos : Dominique




Le lendemain, Ginkakuji - pavillon d'argent







Kyoto - Nishiki market

28 janvier 2010

En gare de Kyoto hier


Avant le déjeuner, visite de la gare de Kyoto,

une ville dans la ville avec une architecture extraordinaire qui nous a fait songer à une station spatiale avec des ponts, des structures métalliques innombrables et murs composant des effets de miroir.








A l'intérieur, un gigantesque centre commercial à faire rêver nos amies restées en France.


Kisu

Anne

27 janvier 2010

Art architectural et tradition textile

Mercredi 27 janvier 2010 - l'héritage des maîtres du passé.

Un programme encore très riche aujourd’hui : le château de Nijo, le Centre textile Nishijin, l’atelier de teinture Aizenkobo et la gare de Kyoto.
Nouvelle cerise sur le gâteau de riz : une pause déjeuner offerte par Philippe dans un restaurant traditionnel de sushis avant le quartier libre de l’après-midi pour découvrir Kyoto à notre rythme et « magasiner » à loisir.

Nous nous rendons tout d’abord en autocar au château de Nijo, dénué des grandioses fortifications qui parent les châteaux japonais.

Il est réputé pour ses pièces au décor exceptionnel, ses magnifiques plafonds à caisson et ses planchers « rossignols », conçus pour trahir les intrus (en particulier les espions ninja) en émettant au plus léger contact des sifflements semblables au chant du rossignol.
Comment ne pas admirer cet astucieux système de pièces métalliques actionnant des anches sous la flexion des lames !



Le ninjutsu, « art d’agir à la dérobée », fut élaboré au cours des luttes sanglantes entre les clans de l’époque féodale. Les ninjas transmuèrent leur vocation d’espions et d’assassins en une discipline sophistiquée, se soumettant à des retraites ascétiques et étudiant l’astronomie, les propriétés des herbes, la médecine et la nutrition.

Ils mirent au point des stratagèmes astucieux pour vaincre leurs ennemis – des crochets pour ouvrir les portes, des bateaux pliants, des vêtements permettant de dissimuler des sabres et des couteaux et plus de trente différentes sortes de shuriken, étoiles de métal meurtrières.

Construit en 1603 par Tokugawa Ieyasu sur le modèle d’une partie du Palais impérial de Kyoto, le château de Nijo symbolisait le pouvoir et les richesses du shogunat nouvellement établi à Edo. Iemitsu, son petit-fils, demanda aux maîtres de l’école de peinture de Kano de décorer les salles de réception en prévision d’une visite de l’empereur. Ironie du sort, en 1867, le dernier shogun Tokugawa dut abdiquer au château de Nijo, en présence de l’empereur Meiji.

Le château originel a été détruit dans un incendie au 18e siècle et le bâtiment actuel provient d’un palais impérial que l’on a déménagé à cet endroit en 1893.
Il est entouré d’un agréable jardin d’arbres fruitiers.
On y pénètre par la porte Karamon qui arbore un pignon de style chinois et des charnières en plaqué or.
A l’entrée du palais, le dessus de la porte cochère s’orne d’une frise sculptée d’oiseaux en vol, de paons et de délicates fleurs volubiles.

Le point fort de ce château est l’ensemble des salles de réception de Ninomaru, groupe de bâtiments espacés reliés par des passages couverts de bois. Dans la première grande chambre (Ohiroma Ichi-no-ma), des Daimyo de cire (seigneurs féodaux) présentent leurs respects au shogun sous son dais.
Les photographies intérieures sont interdites afin de préserver les peintures de l’école de Kano.

A l’origine membres d’une famille modeste de samouraïs, les peintres de Kano devinrent célèbres au 15e siècle grâce à leurs paysages de style chinois et représentations d’oiseaux et de fleurs. Les peintures du château de Nijo sont leurs œuvres les plus importantes. Elles figurent des tigres et des panthères grandeur nature (les léopards étaient pris à cette époque pour des tigres femelles), rampant dans des forêts de bambous, des oies et des hérons sauvages dans un décor hivernal, des pins gigantesques et des cerisiers en fleurs.

Seconde étape de notre périple : la visite du Centre textile Nishijin, manufacture de kimonos installée au centre de Kyoto depuis le 19e siècle.

Dans ce bâtiment moderne spécialisé dans l’histoire de cette riche tradition de tissage, les visiteurs peuvent voir toutes sortes de textiles Nishijin, comme le brocard utilisé pour les kimonos et leurs ceintures ornementales (obi), mais aussi des démonstrations de tissage et un défilé de kimonos.

Les techniques utilisées sont des techniques traditionnelles à la main et à l’aide de métiers à tisser Jacquard importés au Japon en 1873.
On commença à tisser à Kyoto avant le 5e siècle. Les tisserands faisaient des vêtements pour les nobles. Au 15e siècle, ils se déplacèrent dans le quartier de Nishijin, ce qui explique l’origine du nom de ce tissu, célèbre dans tout le Japon pour ses dessins recherchés et ses couleurs variées. Une journée est parfois nécessaire pour tisser un seul centimètre. Les tissus Nishijin sont connus comme étant une des formes représentatives des arts traditionnels au Japon.

Bien que la plupart des Japonais soient aujourd’hui vêtus à l’occidentale, il n’est pas rare de rencontrer dans la rue une femme avec un kimono traditionnel ou un homme portant un kimono de coton (yukata). Aussi bien féminine que masculine, cette tenue est principalement liée aux occasions officielles, aux fêtes ou à la détente. Un kimono de qualité peut durer des années, voire des générations. Coupé selon une taille standard, il s’adapte à chacun lors de l’habillage, en s’enroulant autour du corps. Le pan gauche se glisse toujours sur le droit. L’inverse est destiné aux morts.

Le style du kimono a peu changé depuis l’époque Edo. Un kimono neuf traditionnel peut coûter des milliers de yen, mais il est souvent un héritage familial. Avant d’être nettoyé, il est décousu ; puis plié et enveloppé dans du papier avant d’être rangé.

Le tissu somptueux des kimonos féminins est souvent peint à la main, tissu ou teint selon des techniques traditionnelles permettant de réaliser des dessins complexes.
L’obi, ceinture large pouvant mesurer jusqu’à quatre mètres, se noue, serrée, au creux du dos. La qualité de l’étoffe et la forme du nœud varient selon la saison et l’importance de l’occasion.



Le kimono traditionnel masculin est en soie noire. Plus court que celui des femmes et uni, mis à part les armoiries familiales (mon), il offre une plus grande liberté de mouvement et se porte avec l’hakama, large pantalon-jupe et l’haori, une veste longue et ample. Deux cordons tressés, les himo, servent à maintenir le kimono. Les sandales des hommes (setta) sont en jonc, comme les tatamis, avec une semelle en cuir.
Lors d’un mariage traditionnel, l’homme est vêtu d’un kimono officiel et la femme d’un kimono blanc (shorimuku) et d’une large coiffe.

La coiffure traditionnelle des femmes reflète l’âge et la position sociale et maritale. Elle gagna en raffinement lors de l’époque Edo. Aujourd’hui, elle est réservée aux occasions officielles.
L’éventail, accessoire traditionnel destiné aux hommes et aux femmes, est en bambou et en papier peint à la main. Les peignes et épingles à cheveux, raffinés, sont en écaille de tortue, laque ou ivoire.

Depuis les périodes Nara et Heian (8e siècle), les Japonais se chaussent soit d’une variante de tongues en paille et de sandales en cuir (zori), soit de socques en bois (geta), ces deux modèles étant aussi faciles à ôter qu’à remettre. Les zori se portent avec les kimonos traditionnels. Elles ont souvent des semelles compensées. Les gera se portent avec les kimonos de coton (yukata). A la fin du 17e siècle, les semelles de 30 cm des chaussures des courtisanes rendaient la marche pratiquement impossible. Les chaussettes fendues (tabi) se portent avec ces deux types de chaussures.

Nos emplettes terminées, nous dirigeons nos pas vers l’atelier Aizenkobo, véritable œuvre d’art en soi, niché dans une petite rue étroite du quartier Nishijin. Sa bannière indigo accueille tous ceux qui souhaitent apprendre l’art de la teinture en général et de la teinture à l’indigo en particulier.

Kenichi Utsuki, le maître teinturier de céans, est considéré comme un trésor national vivant. On vient du monde entier pour lui rendre hommage. Une collection permanente de ses œuvres est exposée au British Muséum de Londres. Il a également donné des cours et des démonstrations dans deux célèbres universités américaines : Colombia et Princeton.

L’atelier et la maison qui le jouxte sont situés dans un bâtiment datant de l’époque Edo, remarquablement restauré par Kenichi et son épouse Hisako. Un mur de bambous sépare les énormes cuves en argile servant à la teinture du reste de la maison où les clairs-obscurs sont dignes des plus belles œuvres de la peinture flamande.
Réalisée en bois et en papier, la maison traditionnelle (minka) était conçue pour s’intégrer à l’espace. Aujourd’hui, peu de minka d’origine sont encore habitées : la plupart ont été détruites, le plus souvent par le feu. Les maisons de ville traditionnelles sont des machiya, équivalent urbain des minka.

Kenichi est né et a grandi dans cette maison. Il est issu d’une longue lignée de samouraïs. L’un de ses ancêtres, peu attiré par la voie du sabre, a décidé de partir à Kyoto pour devenir tisserand. De fil en aiguille, il est devenu maître teinturier et a remis à l’honneur la teinture à l’indigo.
Hisako, son épouse, est née dans une riche famille de Kyoto. Elle a étudié la littérature française et la philosophie à l’Université, mais a aussi été officiellement formée à l’art de la cérémonie du thé et à celui de l’Ikebana (art floral japonais). Ses compositions florales ornent les pièces de la maison, harmonieusement meublées de pièces rares. Depuis plus de vingt ans, elle dessine des modèles de tissu et des lignes de vêtements pour l’atelier Aizenkobo.
Norito, leur fils, est également impliqué dans l’entreprise. Il a étudié l’art de la teinture à l’Université d’art et de design de Kyoto et poursuit les traces de son père.

L’indigo est un colorant végétal qui provient de l’indigotier. Dans le spectre des couleurs, il se situe entre le bleu et le violet. Les Mayas considéraient qu’il avait un effet apaisant sur les femmes enceintes. Au moyen-âge, les juifs installés au Maroc étaient réputés comme des maîtres de la teinture à l’indigo. Beaucoup plus tard, la Compagnie Néerlandaise des Indes Orientales fit fortune avec ce produit précieux.

Le Japon a une longue tradition de teinture végétale. Cette technique raffinée est arrivée du continent à l’ère Asuka (538-710). L'empereur du Japon avait alors instauré un système particulier, inspiré du bouddhisme, qui divisait la Cour en douze rangs, regroupés par deux (un mineur et un majeur) et qui correspondaient aux six vertus essentielles : la vertu, la bienfaisance, l'étiquette, la probité, l'équité et la sagesse. Les courtisans devaient porter des habits de couleurs différentes selon le rang auquel ils appartenaient, ce qui favorisa le développement de la teinture végétale.

Les plus anciens exemplaires de tissus japonais colorés à l'indigo sont conservés au temple Horyuji à Nara et ont été fabriqués environ en 620 après J.C. Durant la période Nara (710-794), les tissus colorés à l’indigo étaient réservés à l’aristocratie. En l’an 718, on dénombrait 101 techniques de teinture. Concernant plus spécifiquement l’indigo, plus on était de rang élevé, plus il était foncé et profond.
Pendant l'ère Heian (794-1185), le Japon a développé sa propre culture et l'on considère que c'est l'une des époques les plus riches de l'histoire du Japon en matière artistique.
Au cours de l'ère Kamakura (1185-1333), le samouraï acquiert statut et prestige et les armures rivalisent alors de couleurs magnifiques.

L'ère de Muromachi (1336-1573) est obscurcie par les guerres internes et le Japon développe alors une technique particulière qui lui permet de teindre à l’indigo tout au long de l'année. Puis, pendant l'ère Edo (1600-1868), l'indigo devient la couleur symbole des gens du peuple. L'autre fait qui caractérise cette ère est le développement du concept esthétique "wabi-sabi" : les couleurs éteintes l'emportent alors sur les couleurs éclatantes.

La technique de la teinture artificielle est introduite au Japon au milieu de l'ère Meiji (1868-1912) et se développe très rapidement au détriment de la teinture végétale. Malgré tout, le Japon est en train de redécouvrir la richesse de ses traditions et le désir de préserver cet héritage culturel se fait de plus en plus sentir à travers le pays.

Bien que devenue rare, la teinture à l'indigo n'a pas disparu. Les procédés de fabrication et d'utilisation de la teinture elle-même demandent beaucoup de temps et les matériaux sont coûteux, mais leur beauté est largement reconnue et appréciée. Un artisan teinturier peut non seulement gagner sa vie, mais aussi le respect dû à ceux qui perpétuent une noble tradition.
L'indigo est un colorant extrêmement rapide. Par une alternance de trempages et d’oxygénations, de nombreuses nuances de bleus peuvent être obtenues. La teinture à l’indigo augmente la résistance des tissus et repousse les insectes et les serpents. Il faut toujours retourner et laver à la main les vêtements colorés à l'indigo et surtout les faire sécher à l'abri du soleil car ses rayons dégradent le colorant qui prend alors une couleur violette.
Le secret du bleu indigo japonais, impossible à obtenir avec des colorants chimiques, réside dans la fermentation des végétaux. L’opération est longue et délicate pour obtenir le pigment souhaité. Si elle n’est pas réalisée correctement, la teinture ne prend pas. Kenichi a observé son père pendant cinq ans. L’art de la fermentation réside dans le réglage de la température et le dosage des ingrédients (son de blé, poudre de calcaire, cendre de bois, saké…) mélangés à l’eau et aux végétaux dans les cuves.

Après l’étape de la fermentation, la cuve peut être utilisée pour teindre les tissus. Selon la nature du tissu et la nuance de bleu indigo désirée, de 20 à 50 trempages et séchages au soleil peuvent être nécessaires.

Kenichi utilise d’autres colorants naturels à côté de l’indigo : le curcuma, les graines de gardénia et les pelures d’oignons pour les jaunes, les taupes et les verts ; la garance pour les rouges et les oranges.

L’atelier Aizenkobo fait également largement appel à la technique du Sashiko pour les vêtements, écharpes, sacs et coussins qu’il réalise. A l’origine, le sashiko était une façon pour les gens du peuple de décorer leurs vêtements. C’était aussi une méthode pour réparer et camoufler l’usure et les accrocs. Au 17e siècle, ce type de points devint une recherche plus artistique, pratiquée aussi par les nobles.

Le mot sashiko signifie littéralement « petits coups », ce qui correspond aux points avant que nous connaissons bien. Ces petits points (deux à trois au centimètre) n’étaient pas utilisés uniquement pour embellir un tissu, mais aussi pour maintenir ensemble plusieurs épaisseurs de tissu afin de réaliser des vêtements solides et chauds.
Les motifs originaux représentaient souvent des formes ou des dessins de la nature ou de la culture japonaise. On peut voir des dessins géométriques recouvrant la totalité de la surface de tissu, comme des hexagones et des losanges, des lignes courbes semblables à des vagues, des entrelacs de cercles, des rubans et des éventails et bien d’autres motifs (grues, papillons et fleurs).


Du passé ancestral, nous plongeons brutalement dans le Japon moderne.
Ensemble aérodynamique d’espaces élancés et d’escaliers découverts, la gare de Kyoto (Kyoto Station) offre un accès résolument futuriste à l’ancienne capitale impériale du Japon. Conçue par Hara Koji, professeur de l’Université de Tokyo dont le projet triompha lors d’une compétition internationale, la structure fut achevée en 1997.
L’absence totale d’éléments japonais traditionnels fut très critiquée. La gare est incontestablement stupéfiante. Ses espaces à ciel ouvert évoquent paradoxalement une maison de bois traditionnelle de Kyoto.
A l’intérieur, The Cube, ensemble de boutiques, propose des articles d’artisanat et des produits alimentaires. Au décours des allées et des escaliers mécaniques, nous pénétrons dans un très beau restaurant de sushis avec des serveuses en kimonos, dissimulant leurs possessions personnelles dans le creux de leur obi.


Au 19e siècle, le terme sushi était utilisé pour dénommer le poisson conservé dans du vinaigre. Aujourd’hui, c’est un terme générique qui regroupe un choix infini de préparations. La plus célèbre est Nigiri-sushi. Des lamelles de poisson cru et une fine couche de wasabi (raifort vert) recouvrent des boulettes de riz froid, légèrement sucré et vinaigré. Le gunkan est constitué d’une feuille d’algue séchée remplie d’œufs de poisson. Le norimaki est un morceau de poisson roulé dans du riz vinaigré et entouré d’algues sèches. Il existe également le temaki, roulé en forme de cône, l’inari avec du tofu et le maki-sushi dans lequel le riz est mélangé à de petites tranches de poisson et des pickles, puis roulé dans une feuille d’algue grillée.
Avec les doigts ou des baguettes, on saisit un morceau que l’on plonge dans la sauce au soja avant de le déguster en une seule bouchée.


Notre petit quatuor décide ensuite de retourner à pied à l’hôtel par le chemin des écoliers avec un long arrêt dans une grande surface de l’électronique et de l’électroménager : pas moins de sept étages dédiés aux produits et gadgets derniers cri dans ce domaine.

La découverte des magasins japonais est une expérience étonnante. Le choix des produits proposés dépasse l’imagination, tout comme la multiplicité des lieux d’achat (grands magasins, centres commerciaux, étals, boutiques d’artisanat).
Les supermarchés et grands magasins ne ferment pas le dimanche, mais un jour de semaine par mois ou tous les deux mois selon les régions. Certaines boutiques spécialisées ferment au contraire en fin de semaine et les jours fériés alors que les petites structures familiales restent ouvertes sept jours sur sept. Partout, les horaires d’ouverture sont compris entre 10h et 20h. Les couche-tard peuvent se ravitailler dans les chaînes (comme Seven Eleven) qui fonctionnent sept jours sur sept et 24h/24h. Les distributeurs automatiques proposent à toute heure des boissons, en-cas, CD, piles et articles de première nécessité. Les prix sont presque toujours affichés en chiffres arabes. Pour régler une note, la coutume consiste à poser son argent sur un plateau, sur lequel la monnaie est rendue, évitant ainsi tout contact physique.

Au Japon, l’art de l’emballage fait partie de la culture traditionnelle : le corps est enveloppé par le kimono et le riz par certains aliments. Pour transporter leurs effets, les Japonais les entouraient de façon originale dans des tissus décoratifs (furoshiki). Dans tous les magasins, les achats sont emballés dans de ravissants papiers.

Le dîner est prévu dans un restaurant chinois de Kyoto. Les spécialités proposées à notre dégustation n’ont que peu à voir avec ce que nous connaissons en France (pinces de crabe caramélisées, pudding au lait d’amande…).

Heureusement que la question du choix ne se posait pas car la consultation de la carte nous a laissés quelque peu dubitatifs !


Anne
photos : Dominique


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Premières impressions en direct !
Château féodal, tissage et kimonos, indigos et sushis ... de quoi s'occuper !
Départ en bus ce matin pour visiter le château féodal de Nijo-jo, fief de la dynastie des Shogun Tokugawa.
Une plongée dans le monde des Samourais, des Ninjas et des concubines. Les photos étaient interdites à l'intérieur car les peintures des panneaux sont très fragiles.
Pour la plupart, elles représentent des "arbres à pin" sur fond de feuilles d'or. Une merveille de délicatesse et de raffinement.
Le lieu est d'une grande sobriété : tatamis recouvrant des planchers de bois de cèdre et panneaux peints. Les plafonds sont également recouverts de peintures.
Nous avons marché sur les fameux planchers rossignols.
Des plaques d'acier reliées tenues par des clous sous le plancher produisent un son semblable au chant du rossignol. Difficile d'aller faire discrètement une sortie nocturne à l'époque. Les Shogun se protégeaient ainsi des attaques des Ninjas.
Visite ensuite du centre de la tradition textile de Kyoto avec démonstration de tissage et défiles de kimonos.
En bonne capteuse d'images, j'ai cherché une place stratégique pour filmer ces belles japonaises en kimonos et obis (la ceinture qui enserre le kimono et qui leur sert pour ranger leurs petites possessions).

Petite marche dans les rues de Kyoto pour découvrir une étonnante boutique consacrée aux tissus indigos. Une très ancienne maison japonaise avec des lumières intérieures dignes des peintures flamandes accueille de magnifiques vêtements bleu indigo, certains réalisés avec la technique du Sashiko. Nous avons craqué pour de très beaux fils aux coloris d'une grande douceur.

Petite surprise de Philippe et de Tomo pour le repas de midi: repas de Sushis, très différents de ceux que nous connaissons en France. Ils sont très gros, très variés au niveau des poissons et fourrés au Wasabi. Un délice pour Anne...
Après-midi libre dans Kyoto. Notre petit groupe (Chantal, Dominique, Annick et Anne) a decidé d'explorer un temple de l'électronique et de l'électro-menager japonais. Indescriptible: des ordinateurs roses, des coques d'ordinateurs avec des textures et des couleurs innombrables, des fauteuils de massage où l'on s'endormirait volontiers, des appareils pour prendre sa tension, pour se masser le cuir chevelu sous la douche, etc.

Pour finir cette journée, Laura Ashley pour ces dames: so british avec des vendeuses aux petits soins. Notre portefeuille n'est pas sorti indemme de cette escapade. Rien d'outrageusement dispendieux, mais quelques menus plaisirs.
Dîner dans un restaurant chinois de Kyoto dont les specialites n'ont rien a voir avec ce que nous connaissons en France. Heureusement que nous n'étions pas seuls pour commander car la carte est cryptée et nous aurions été bien en peine de savoir ce que signifiaient tous ces idéogrammes. Des saveurs surprenantes, étonnantes, mais toujours appréciées comme le pudding de lait d'amande ou les pinces de crabe caramélisées.

Il y aurait tant et tant à dire, mais mes petits yeux se ferment et nous devons nous lever très tôt demain pour nous rendre sur le site de Nara (une heure et demie de route) classé au patrimoine mondial de l'Unesco. Ils annoncent de la pluie. Après tous ces jours de grand beau temps, cela nous changera un peu. Et qui sait, les Kamis seront peut-être avec nous...Sayonara

Anne