30 janvier 2010

L'Empereur, le Shogun et le Samouraï

Longtemps coupé du monde, le Japon s’est forgé une histoire unique autour de ces trois personnages clefs de l’époque féodale. L’ouverture à l’ occident au 17e siècle a fait basculer le pays dans la modernité.

La préhistoire


Les premiers signes de civilisation remontent à 10 500 ans av. J.-C. Il s’agit de fragments de poterie de l’ère Jomon (« corde en paille ») utilisant la technique du dessin cordé sur l’argile fraîche. Le Japon aurait été peuplé par des tribus venues de Sibérie, de Chine, de Corée et, au sud, de Polynésie. Les habitants se nourrissaient alors de plantes, de graines, de coquillages, de poissons, de daims et de cochons sauvages.
Dans les années 300 av. J.-C. (époque Yayoi d’un mot signifiant « début du printemps »), les habitants de l’archipel maîtrisaient déjà la culture du riz et l’utilisation du bronze et du fer grâce aux migrations des Coréens.

L’influence chinoise


Le système d’écriture chinois et le bouddhisme furent introduits au Japon durant les 5e et 6e siècles. La cour adopte un système hiérarchique imité de la cour impériale chinoise. Le prince Shotoku, au 7e siècle, instaure la première constitution du Japon avec un état centralisé et unifié. Le bouddhisme devient religion d’état et son influence se renforce à l’époque Nara (710-794).
Nara devient la capitale du pays en 710. L’influence de la Chine s’illustre dans ses magnifiques temples.


L’époque de Heian (794-1185) marque l’apogée du Japon aristocratique. En 794, la Cour déménage dans une nouvelle capitale, Heian-kyo, capitale de la Paix et de la Tranquillité, l’actuelle Kyoto.




La vie à la cour de Kyoto était consacrée aux affaires de cœur et à l’observation minutieuse de la préséance et du rituel, ainsi que le montre le Dit du Genji. Murasaki Shikibu, dame de Cour du clan Fujiwara, rédigea au début du 11e siècle le Dit du Genji qui est probablement le roman le plus ancien du monde. Il raconte les amours et les peines d’un prince imaginaire, Genji. Cette histoire fut illustrée d’innombrables fois sur des rouleaux.

Les empereurs successifs s’installent alors dans une certaine luxure qui fait perdre à la cour de
son prestige. Le bouddhisme perd peu à peu de son influence au profit du shintoïsme.

L’époque des shoguns

Le laxisme de l’empereur favorise l’émergence d’une classe militaire, notamment en province : les samouraïs ou bushi.
Ce sont des guerriers marqués par une fidélité sans faille à leur chef, le shogun. Le terme shogun est la contraction de seiitaishougun qui signifie « le grand général qui triomphe des sauvages. » Affiliés aux daimyo (administrateurs-guerriers de haut rang), ils vont constituer leurs propres clans héréditaires qui deviendront plus puissants que l’empereur.

Les samouraïs suivent un code strict de loyauté, le bushido ou voie du guerrier, inspiré en grande partie par le bouddhisme zen. Ce code de conduite, d’éthique et de stratégie enjoint au samouraï de préserver l’honneur de son clan, fût-ce au prix de sa propre vie. Le don de soi y est glorifié et la loyauté absolue au shogun est la règle. Les écarts de conduite entachant l’honneur du clan, défaite au combat notamment, ne s’expient que par le seppuku (ou hara-kiri), sanglant suicide rituel par éviscération.

Ces hommes, qui n’appartiennent pas à la noblesse, sont des professionnels de la guerre. Ils élèvent des chevaux, des chiens, chassent au faucon, s’entraînent au tir à l’arc et au combat rapproché. Ils construisent des manoirs de bois à partir desquels ils cherchent à agrandir leur territoire, quand ils ne mettent pas leur sabre (katana) au service d’un seigneur local. Leurs femmes, confinées au gynécée, ne sont même pas admises à leur table.

Les ronin (« hommes flottants ») étaient des samouraïs sans allégeance. Une pièce du kabuki raconte la tragédie réelle de 47 ronin qui, ayant vengé la mort de leur seigneur, furent contraints à se suicider par le shogun.

Les ninja étaient des espions formés pour escalader les murailles des châteaux en temps de guerre.

Les guerres de clans


A partir du 12e siècle, l’époque féodale est marquée par de nombreux conflits entre chefs de guerre rivaux. En 1180, le titre de shogun est attribué à Minamoto Yoritomo. Il obtient de l’empereur le droit de faire assurer l’ordre dans l’empire par ses vassaux personnels.

Le titre de shogun devient alors héréditaire et se transmet par tradition aux descendants des princes Minamoto.

L’invasion des Mongols


A cette époque, des moines japonais de retour de Chine fondent une nouvelle secte appelée zen. Marquée par une grande austérité, cette branche du bouddhisme est très populaire, notamment chez les samouraïs qui vont tirer du zen les principes du maniement du sabre, de l’arc et des arts martiaux.

Cette époque est aussi marquée par de violents conflits avec les Mongols. En 1281, une armée de 100 000 Mongols tente d’envahir le Japon. Mais leur flotte est complètement détruite par un violent typhon. Les japonais lui donnent le nom de Kamikaze, le Vent divin. Cette période d’instabilité va durer jusqu’au 16e siècle. Mais les guerres n’empêchent l’éclosion des arts classiques : le théâtre nô, l’art floral ikebana ou encore la cérémonie du thé datent de cette période.

L’arrivée des missionnaires


En 1542, un trio de portugais à bord d’une jonque naufragée aborda à Tanegashima, île au large de Kyushu. Pour la première fois, le Japon est en contact avec les Européens, les armes à feu et le christianisme.
Toute cette seconde partie du 16e siècle est marquée par l’arrivée des commerçants venus du Portugal, d’Espagne, des Pays-Bas et d’Angleterre. Ils sont le plus souvent accompagnés de missionnaires chrétiens comme le jésuite François-Xavier. Mais le shogunat japonais redoute une invasion militaire européenne et interdit en 1612 la religion chrétienne. En 1637, le gouvernement de Tokugawa met un terme dans le sang à la révolte des chrétiens de Shimabara.

L’époque Edo


Le Japon s’enferme peu à peu et met un terme aux relations avec l’étranger. Seuls quelques contacts limités continuent avec des marchands chinois et hollandais à Nagasaki. Le pays entre alors dans une longue période de paix et de relative prospérité : l’époque Edo.

Paradoxalement, cet essor politique va permettre l’éclosion des arts japonais : la poésie haiku, les marionnettes bunraku et le théâtre kabuki naissent à cette période. L’artisanat traditionnel (poterie, céramique et laque) se développe aussi dans de nombreuses provinces.

L’ouverture à l’Occident


Cet isolement volontaire va durer deux siècles et demi jusqu’à ce que les Etats-Unis forcent le Japon à s’ouvrir à l’Occident. En 1853, une escadre américaine arrive en baie d’Edo. Le commodore Matthew Perry remet aux autorités une lettre du président des Etats-Unis demandant l’ouverture du Japon. Le shogunat décide de céder et signe avec les Etats-Unis et les puissances européennes une série de traités commerciaux accordant des avantages substantiels aux Occidentaux, en particulier l’octroi de plusieurs concessions.

Déstabilisé par l’arrivée en masse des produits occidentaux, le Japon connait alors une profonde crise économique. Des samouraïs xénophobes tentent de s’opposer aux Occidentaux. Affaibli, le shogun décide de restituer ses pouvoirs à l’empereur.

L’ère Meiji


Le 3 janvier 1868, la Cour proclame la restauration du régime impérial. Le jeune empereur Mutsuhito quitte Kyoto pour Edo, rebaptisée Tokyo ou capitale de l’est. Cette nouvelle ère est appelée Meiji (lumières).

L’ouverture devient désormais la politique officielle du nouveau régime. Le Japon s’engage dans la voie de la modernisation. Les grandes réformes se succèdent et visent à l’abolition de l’ancien régime et à l’intégration dans le système international : l’école devient obligatoire, les seigneurs sont nommés hauts fonctionnaires, un service militaire est instauré mettant un terme aux prérogatives des anciens samouraïs. En 1889, le Japon est le premier pays d’Asie à se doter d’une Constitution et à faire élire un Parlement.

Parallèlement à ses réformes intérieures, Le Japon cherche à s’imposer comme une puissance régionale, puis internationale. Une ambition qui provoque la guerre contre la Chine (1895) et contre la Russie (1905) dans laquelle le Japon gagne la Corée, Taïwan et d’autres territoires. A la première guerre mondiale, le Japon se range du côté des alliés. En 1919, lors de la paix de Versailles, il accède au rang de grande puissance, la seule à ne pas être d’origine européenne.

La seconde guerre mondiale


A partir des années 20, l’armée japonaise connait un rôle grandissant. L’expansionnisme militaire se poursuit avec l’invasion de la Mandchourie en 1931 et une seconde guerre sino-japonaise.

Face à l’opprobre national, le Japon se retire de la Société Des Nations en 1933. Cet isolement renforce l’amertume des ultranationalistes qui entreprennent de purger le Japon des concepts et termes étrangers. L’enseignement retombe dans le culte nationaliste de l’empreur et pratique l’endoctrinement (empereurs et guerriers mythiques sont présentés comme historiques) et la glorification de la race japonaise.

En 1936, le Japon s’allie à l’Italie et à l’Allemagne. A partir de 1937, le premier bombardement aérien à Shanghai, puis le sac de Nankin où des 200 000 civils chinois sont massacrés, constituent l’une des pages les plus sombres de l’histoire et provoquent encore aujourd’hui de solides rancœurs entre Chinois et Japonais.

Les Etats-Unis réagissent à l’agression contre la Chine en mettant fin aux exportations de matières premières, en gelant les avoirs japonais et en décrétant un embargo sur le pétrole. Le japon répond par une attaque sur Pearl Harbor dans l’archipel d’Hawaï le 7 décembre 1941, s’enfonçant ainsi dans la guerre.

En 1942, le Japon a envahi presque toute l’Asie du Sud-Est, mais sa flotte est laminée à la bataille de Midway. Le fanatisme envoie de jeunes soldats à la mort dans des missions suicides.
En mars 1945, les bombes incendiaires frappent Tokyo, faisant 100 000 morts et détruisant 700 000 maisons. L’attaque se répète sur des sites stratégiques à travers l’archipel, mais le Japon ignore l’invitation des alliés à se rendre sans conditions. Le 6 août, les Etats-Unis lâchent une bombe atomique sur Hiroshima, rayant la ville de la carte et tuant 150 000 personnes. Trois jours plus tard, une nouvelle bombe atomique frappe Nagasaki.


Le 14 août, l’empereur Hirohito annonce lui-même à la radio la capitulation de son pays. Le Japon se rend sans conditions le 2 septembre 1945. Le pays est en ruine, au milieu d’une Asie ravagée par la guerre. Pour la première fois de son histoire, l’archipel est occupé par une armée étrangère. Le Japon va rester sous la tutelle des Etats-Unis jusqu’en 1952.

L’après-guerre


Sous la pression des autorités américaines d’occupation, une nouvelle Constitution est adoptée en 1947. Les principaux changements sont politiques. Alors que l’empereur possédait jusque-là tous les droits de souveraineté, la nouvelle Constitution stipule que le « pouvoir souverain est détenu par le peuple ». L’empereur est maintenu sur le trône comme symbole de la nation, mais il n’a plus que des fonctions honorifiques et perd ses attributs divins.

Le pouvoir exécutif est confié à un cabinet de 18 ministres avec à sa tête un Premier ministre élu par les députés et les sénateurs (la Diète). La nouvelle Constitution reconnait également le droit de vote pour les deux sexes et l’égalité de tous devant la loi. Le shintoïsme cesse d’être religion d’état. L’ensemble du système politique, économique et éducatif du pays est remodelé. Mais les cicatrices de la guerre sont nombreuses.

Le général américain Mac Arthur doit organiser en 1946 et 1947 des convois d’approvisionnement en provenance des Etats-Unis pour sauver le Japon de la famine. Au sortir de la guerre, le Japon compte 22 millions de sans-abri et une personne sur trois est au chômage.
Les Etats-Unis fournissent une aide financière qui encourage le renouveau du pays. L’économie se rétablit rapidement et permet le retour de la prospérité. La défaite militaire et la nouvelle liberté d’expression sont à l’origine d’un bouillonnement intellectuel et scientifique.

En 1954, le Japon vote une loi qui accorde à l’armée des prérogatives uniquement défensives et lui interdit de posséder l’arme atomique.

Les années d’après-guerre sont surtout marquées par le « miracle japonais ». En 1961, le Japon a déjà remboursé l’aide fournie à la fin de la guerre par les Etats-Unis. Lorsque débutent les jeux Olympiques de Tokyo en 1964, le pays est à l’apogée de sa puissance. Symboliquement, il inaugure le train le plus rapide du monde, le shinkasen.
L’empereur Hirohito décède en 1989, marquant la fin de l’après-guerre au Japon.

Anne

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